Les Ateliers itinérants du paysage et le Territoire de pédagogie 2001-2021
Les figures du jardin d’essai et de l’itinéraire culturel

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Le projet Erasmus+ « COOPERACTIF HABITER ENSEMBLE AUTREMENT DEMAIN » (habitat-cooperactif.eu) a pour devise le slogan « Inviter à voyager, inciter à rêver, et inspirer à agir ».

Emprunté à l’urbaniste Pierre Arnolds, de l’association Urbamonde, cette petite maxime d’une grande ambition sous-titre l’avant-propos de l’ouvrage « Habitat en mouvement, voyage à la rencontre de l’habitat populaire en Amérique du Sud ». Elle renvoie à tout l’univers du « partir », des voyages de formation, déclinés depuis la pratique aristocratique du grand tour jusqu’à la naissance d’Erasmus, et l’usage de l’année à l’étranger intégrée au cursus même de certaines grandes écoles d’ingénieurs.

Plus près de nous, elle correspond bien aussi au propos des invitations que MALTAE lance à son public depuis vingt ans dans son territoire, avec ses ateliers du paysage itinérants. A la nuance près qu’il s’agit d’inviter les habitants à arpenter, sur des temps courts d’une demi-journée à une journée ou, parfois plus exceptionnellement sur une durée de quelques jours, à découvrir les richesses de leurs propres territoires. Par cycles thématiques – l’eau et l’agriculture -, par cycle des saisons, – balade architecturale littorale estivale -, il s’agit d’aller ensemble sur des sites proches mais où on ne va jamais, de découvrir, de se laisser surprendre et séduire « et dire qu’on a ça, juste à côté ! ». Faire à plusieurs ce qu’on ne fait que rarement seul, pouvoir se rencontrer, échanger sur le sujet, mettre en débat. Mener une expertise collective, aller sur les lieux pour « se rendre compte ». Ce fut le cas de l’engagement plus militant des « Rencontres des Bormettes » où deux cent personnes sur un même bateau ont fait le diagnostic de la valeur patrimoniale de l’ancienne usine de torpilles Schneider, alors en péril ; ce fut le cas des incendies de septembre 2017, où les journées du patrimoine donnèrent la date du rendez-vous pris le dimanche pour fouler le sol de la forêt des Maures en cendres » ; et de se promettre de revenir chaque année suivre la repousse, voir l’avancement des travaux …

Juste de quoi se sentir un peu plus concerné, un peu mieux informé, un peu plus impliqué, un peu moins seul pour agir.

Dans le projet Erasmus+ « COOPERACTIF HABITER ENSEMBLE AUTREMENT DEMAIN », le nom donné à une des activités d’apprentissage de juin 2019 est celui d’« arpenter un territoire de pédagogie » ( cf. guide des activités Ici et là-bas : Arpenter un territoire de pédagogie (habitat-cooperactif.eu)

Il convient de revenir sur la mise en place du concept de « territoire de pédagogie » et son déploiement, tel que MALTAE l’a mis en pratique dans ses activité d’éducation populaire et d’expérimentation de la médiation territoriale en invitant les habitants à se réapproprier les ressources de leurs territoires de vie.

Ce fut d’abord dans les années 1990 un aller-retour entre l’exploration des nouveaux métiers de l’ingénierie culturelle territoriale, l’engagement militant, citoyen et professionnel, pour la défense des sites et l’écriture d’une thèse de doctorat dédiée à théoriser le propos méthodologique et la mise en pratique de ces itinéraires culturels comme ceux d’ « un nouvel art de composition urbaine », à introduire dans les génies territoriaux.

… Cette mise en forme d’itinéraires culturels de paysage, héritière de la composition urbaine du XIXe siècle et de ses promenades haussmanniennes se propose comme la reformulation d’un art urbain adapté aux nouvelles mobilités et au contexte d’un in situ à la fois local et global et à la fois réel et virtuel… (Deux siècles d’histoire – MALTAE / ECM0146p – cooper’actif (habitat-cooperactif.eu)

Sur le terrain, s’enchainèrent sur ce territoire dit de pédagogie entre 2000 et 2015,

  • Une étude-action sur le paysage littoral, pris dans son épaisseur continentale et marine, dont le point d’orgue fut
  • Les rencontres des Bormettes de juin 2001 « Entre Europe et Méditerranée, entre nature et culture, quel jardin de l’entre terre et mer ?
  • Une démarche de Pôle d’Economie du patrimoine dédié au « Paysage de l’entre terre et mer du littoral varois »,
  • Un projet européen Culture 2000 « Pour un réseau européen d’écomusées du patrimoine industriel entre terre et mer »
  • Une contractualisation de trois ans avec la région pour « construire la veille du paysage »
  • Une expérimentation nationale de GIZC (Gestion Intégrée des Zones Côtières)
  • Et son récit dans le carnet de bord « Traits de côte, arpents de mer »
  • Un Observatoire photographique du paysage littoral vu depuis la mer

Depuis 2011, MALTAE a adapté sa pratique à travailler les thèmes du changement, dont le changement climatique, la montée des eaux, le rapport de l’eau et du territoire … la question des transitions, transitions sociétales dont celles des métiers de l’aménagement du territoire, ceux de l’agriculture et ceux de l’architecture et celle de la résilience et de l’adaptation des territoires face à ces changements

Deux programmes pédagogiques soutenus par la région PACA ont embarqué en 2017 des jeunes et moins jeunes sur deux thèmes (vers des territoires économes exemplaires, dessiner collectivement le futur résilient d’un territoire confronté aux changement climatique /apprendre à vivre et habiter la transition : pour une éco-citoyenneté de la terre et de la mer)

La géométrie variable de son territoire de pédagogie s’est progressivement élargie au littoral sud PACA, avec le séminaire itinérant « Mieux coopérer pour un autre habité » et a parfois annexé l’échelle européenne, comme lors de voyages organisés à Venise en 2018 ou dans la proposition d’itinéraire culturel européen autour de l’habitat participatif du projet Erasmus+ ou le projet « Tuteurs d’avenir ».

Comme, encore, l’offre d’accueil de ce territoire de pédagogie pour la candidature au concours Europan de 2018 « Villes productives » ; ces travaux où s’emboitent les échelles du local au global sont des outils offerts à l’expérience d’un « in situ à la fois local et global et à la fois réel et virtuel ». Permettre, au-delà de l’apprentissage de l’histoire d’un site, d’être dans histoire des temps présent contribue à « dessiner une vision globale et une histoire totale, à faire émerger un projet de territoire, tel un jardin d’essai, où, pas à pas, substituer à une histoire de conquête et d’aménagement l’actuelle quête d’un territoire à ménager : où prendre le temps de s’essayer à penser, agir et vivre autrement »

L’intégration du réseau coopératif ODP Oiseaux de Passage en 2019 en créant la communauté Traits de côtes, Arpents de Méditerranée conforte la posture de MALTAE de créateur d’itinéraires et de récits en rendant lisible cette démarche agrégative, agrégative des hommes et femmes au statut de producteurs de leurs projets dans le territoire de la « communauté ODP ».

En 2021, l’aventure se poursuit, locale et globale avec un projet d’Itinéraire culturel du biomimetisme en région PACA pour découvrir :

1/ le constat des richesses existantes d’enseignement de la nature et
2/ du potentiel de projets
Il s’agira de montrer comment la biomimétique être une voie royale pour la créativité par l’intelligence collective et offrir des projets de territoire.

Europan et son thème 2020 / 2021 de « ville vivante » est une nouvelle opportunité dont le défi serait que le territoire local s’en saisisse !

Par l’usage de la figure du Jardin d’essai, le territoire de pédagogie décline un type de territoire apprenant, apprendre par le territoire, mais, au-delà, s’y mettre en situation de projet : où s’essayer à faire croitre les projets.

Au-delà de l‘usage de lecture du paysage « observer pour agir » afin de permettre à chacun de changer de regard et devenir acteur de l’histoire, les ateliers du paysage ajoutent la dimension créative du collectif, la capacité productive du lien pour rêver, imaginer et faire, en artiste de sa propre vie comme de ses projets de territoire.

Rendre le citoyen artiste, au sens où l’entend Francis Ponge « La fonction de l’artiste est fort claire : il doit ouvrir un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient ».       

 Pour MALTAE, A l’an que vèn !

Odile Jacquemin et Jean-Louis Pacitto


Les rencontres des Bormettes de mai 2001 :
« Entre Europe et Méditerranée, entre nature et culture, quel jardin de l’entre terre et mer ? le paysage en jeu, une attitude, une démarche »

Expertise collective de la terre vue depuis la mer
Actes des rencontres
Rencontres des Bormettes
mai juin 2001

L’initiative de ces rencontres a été la mobilisation commencée devant les grilles fermées du site de l’usine SCHNEIDER lors des journées européennes du patrimoine de septembre 2000, journées consacrées au thème du patrimoine industriel. Elles ont permis la rencontre de public et institutions conscients de l’intérêt historique et patrimonial du site des Bormettes. Le collectif « BORMETTES » né de cette mobilisation s’est donné pour but de veiller sur le devenir du site actuellement inoccupé et d’initier la programmation et le portage d’un projet de qualité à la hauteur des atouts du lieu.

Ces rencontres organisées par l’association Mémoire A Lire, Territoire A l’Ecoute ont participé d’une étude exploratoire, étude-action, sur « le paysage littoral dans son épaisseur marine et continentale », mission financée par la DIREN PACA et l’ARPE. Elles ont été une invitation à réfléchir collectivement à la qualité de l’aménagement de notre paysage littoral et ont souhaité initier un projet de site articulé à un projet de territoire, autour d’un projet de veille collective à la qualité du paysage : « Habiter poétiquement le territoire … mettre en réseau avec quelques autres lieux phares promus au rang d’amers culturels l’émergence d’un grand pays-paysage, un véritable territoire de pédagogie… » Lien : ECM0058

Un Pôle d’Economie du Patrimoine dédié au « Paysage de l’entre terre et mer du littoral varois »

Ce fut d’abord en rejoignant, via l’appel à projet de la DATAR le réseau des PEP (Pôle d’Economie du Patrimoine) pour lequel MALTAE proposa de faire du paysage de l’entre terre et mer du littoral varois le patrimoine d’un territoire à géométrie variable à arpenter. (Et même à caboter !)

La démarche des pôles d’économie du patrimoine (Pep), initiée par la Datar à la suite du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) de Troyes en 1994, a pour objectif d’utiliser le patrimoine diversifié de la France comme levier de développement économique. Une trentaine de pôles d’économie du patrimoine sont aujourd’hui en activité. Rassemblés autour de projets fédérateurs, les acteurs locaux des Pep œuvrent pour une meilleure organisation de l’espace autour des pays, des agglomérations ou des bassins fluviaux, des massifs, des littoraux…

Parmi les axes poursuivis par le Pôle d’Economie du Patrimoine, figurent l’innovation et la pédagogie.

LE TERRITOIRE DE PEDAGOGIE ET L’ACTION EN MILIEU SCOLAIRE

Le Pôle d’Economie du Patrimoine « Paysage de l’entre terre et mer en littoral varois » et l’association « Mémoire à lire, territoire à l’écoute », structure porteuse du Pôle, organise depuis l’année 2001, dans le cadre de son opération « Patrimoine portes ouvertes toute l’année », des ateliers publics mensuels dans son « territoire de pédagogie ». Compte tenu du thème 2002, celui du mois de Septembre accompagnera tout naturellement les Journées du Patrimoine en « encadrant » d’une manière originale cette manifestation nationale grâce à un partenariat associatif et institutionnel, ce qui est la vocation du Pôle. « Carqueiranne Environnement », l’APARE (Association pour la Participation et l’Action Régionale), le Lycée professionnel Golf-Hôtel à Hyères, et « Mémoire à lire, Territoire à l’écoute » se sont associés d’une manière exemplaire pour une manifestation interactive, territoriale et culturelle, autour d’un thème et d’une figure emblématique du patrimoine méditerranéen: la terrasse.

Toujours dans le cadre du Pôle pour les Journées Patrimoine, les travaux d’élèves de ces classes, menés sur le thème du patrimoine industriel, s’exporteront « vers le territoire », à la Cité des Bormettes, à La Londe-Les-Maures, pour accompagner la relation de l’épopée Schneider en Méditerranée (usine et île aux torpilles).

Le pôle d’économie du patrimoine littoral varois sur le thème du « paysage de l’entre terre et mer » a pour objet de valoriser les ressources paysagères et humaines de ce territoire pour en faire un territoire de pédagogie, où le paysage est pris dans son sens d’opérateur (opérateur de transversalité, opérateur de lien, prisme de lecture par l’histoire).

Les objectifs pédagogiques de la « formation au paysage » sont à entrées multiples et déclinent l’apprentissage de la citoyenneté, l’incitation à l’intercommunalité, le développement de la transversalité des disciplines et de la non fragmentation des savoirs, la préhension de la complexité de l’espace et des différentes échelles de territoire.

Dans ce cadre, aborder le paysage par l’histoire est un des outils de prise de conscience de l’emboîtement des échelles de temps et de la mise en perspective du temps présent dans une histoire longue, formation de la conscience, préalable à l’action.

La démarche est celle d’un souci de maillage au plus fin des ressources existantes, (matérielles et immatérielles) pour faire résonner les projets et les « lieux » entre eux et faire du territoire du PEP un paysage d’art(s) et d’histoire.

Le propos du pôle d’économie du patrimoine est de substituer à une cartographie d’un réseau de quelques lieux « phares » ponctuels des échanges qui enrichissent et redistribuent, en termes de liens, sur l’ensemble du territoire cette valorisation culturelle.

Le territoire du PEP s’est construit sur un espace géographique à géométrie variable, non défini par une frontière préétablie mais dont la réalité émerge dans les liens géographiques, spatiaux, humains artistiques et culturels autant qu’économiques et géopolitiques, liens qui se tissent sur l’articulation de la ville, la campagne, la mer et la forêt. Il s’est identifié autour de la rade d’Hyères, comprise comme un entre-deux, entre terre et mer et entre agglomération toulonnaise et pays des Maures.

Pour un réseau européen d’écomusées du patrimoine industriel entre terre et mer

L’histoire industrielle des Bormettes en rade d‘Hyères a donné naissance à ce projet européen de réseau de musées de territoire sur sept pays, Portugal, France, Catalogne, Province de Venise, Sardaigne, Roumanie et Finlande. Chacun des sites partenaires du projet, a pris pour territoire d’intervention quelques-unes des zones particulièrement sensibles des rivages de notre Europe, là où le contact entre mers intérieures et sol continental s’établit dans des conditions quasi conflictuelles mais en même temps génératrices de richesses et d’initiatives de la part des hommes.

Sur les traces de l’emblématique construction de la première Île artificielle, l’île aux torpilles Schneider, l’étude et la préservation du patrimoine des activités industrielles est identifiée comme stimulante pour l’esprit et pour le concept même de notre patrimoine culturel en général, car là se trouve l’un des terrains de la nécessaire réconciliation entre patrimoine de l’industrie et patrimoine de l’environnement. Entre terre et mer, se sont élaborés des paysages culturels où se croisent itinéraires et traces des hommes aux champs, dans les forêts et sur l’eau, mais aussi dans les mines, sur les chantiers portuaires et sur la ligne de front des littoraux.

La thèse d’histoire culturelle
« Deux siècles d’histoire d’un paysage entre terre et mer »

Valider les démarches expérimentales de MALTAE par des travaux universitaires et donner une « valeur » à des travaux de sciences humaines reconnus par leurs pairs est un passage obligé pour consolider le positionnement annoncé « entre art et sciences »

Deux siècles d’histoire – MALTAE

Le récit emboite histoire longue et histoire des temps présents pour dessiner une vision globale et une histoire totale, et fait émerger un projet de territoire, tel un jardin d’essai, où substituer à une histoire de conquête et d’aménagement l’actuelle quête d’un territoire à ménager : où prendre le temps de s’essayer à penser, agir et vivre autrement

Le propos est de construire un langage d’une culture pédagogiquement utile, proposant une lecture du paysage critique et distanciée dont le rôle soit « d’éclairer » des états complexes et de permettre à chacun de changer de regard et de devenir acteur de l’histoire. Construire une vision globale et une culture critique sont présentés comme des enjeux de formation à là de citoyenneté. A partir de la construction et reconstruction de figures parlantes, et des chemins que le récit trace pour aller de l’une à l’autre, la méthode est une proposition pédagogique, extrapolable à tout autre site ou sujet ; elle restitue au traditionnel diagnostic territorial de l’état des lieux un état des liens. L’auteur propose de voir dans cette mise en forme d’itinéraires culturels de paysage, héritière de la composition urbaine du XIXe siècle et de ses promenades haussmanniennes, la reformulation d’un art urbain adapté aux nouvelles mobilités et au contexte d’un in situ à la fois local et global et à la fois réel et virtuel. Les 111 points d’entrée d’histoire locale dans une histoire totale démultiplient à l’infini les itinéraires possibles dans le matériau de la documentation rassemblée. La factorielle de 111 s’écrit avec 181 chiffres et donne la mesure du champ des possibles, offert par la promenade sur la toile. Cet objectif renégocie fondamentalement le partage du lire et écrire l’histoire, entre l’auteur et le lecteur, invitant le lecteur à devenir, en construisant son propre itinéraire, acteur en prenant part à l’écriture (de l’histoire).

La veille du paysage

Mettre en débat
Nommer et identifier les potentiels de projets : ici l’itinéraire de la veille du paysage littoral sur les traces du Mur de l’atlantique en Méditerranée

Un conventionnement de trois ans avec la Région PACA a permis de développer, à l’attention de tout public, ces ateliers du paysage itinérants, où les enjeux devenaient ceux de la réappropriation citoyenne mais aussi d’expertises collectives et d’occasions de projets ; …Le paysage partagé et arpenté, in situ, devient alors langage, outil d’une médiation, faisant l’état des lieux par un état des liens pour inviter à croiser les points de vue et inverser les regards.

Sixième et dernier chapitre de la thèse de doctorat d’Odile Jacquemin, consacrée à l’histoire du paysage hyérois : Hyères et la rade, la formation d’un paysage urbain entre terre et mer, de 1748 à nos jours, cet ouvrage édité à la vielle des élections municipales de 2008 interpelle en 18 questions les candidats sur leur projet de paysage.

Verser au débat public le matériau d’une thèse universitaire est, à un moment où les électeurs et candidats accordent une plus grande attention à la question du projet urbain, une occasion pour l’auteur de poursuivre son plaidoyer pour faire de l’histoire une science de l’action et de l’histoire du paysage un outil de médiation et de pédagogie du citoyen.

L’histoire des temps présents interroge la question délicate de la transition entre l’exercice d’histoire et celui de l’évaluation.

Sortir le paysage du discours du « beau » et les politiques du paysage de « l’embellissement » pose, au cœur de la réflexion sur l’aménagement durable, le paysage comme ressource et ressourcement. N’est-il pas d’abord une énergie renouvelable, une ressource gratuite, un bien public, accessible et appropriable par tous, une attitude pour partager un territoire et une démarche pour résister aux effets de la privatisation du littoral ?

Les itinéraires de paysage deviennent donc l’exercice d’un nouvel art public urbain, dont la fonction d’apprentissage et de culture ouvre une troisième voie pour aller au-delà du musée et du site vers des diagnostics de territoire constitués d’inventaires des projets locaux. Citation O J in la revue Projet de paysage 2009

http://www.projetsdepaysage.fr/fr/projet_urbain_et_paysage_littoral

Carte manifeste pour inverser les regards

Ainsi, la carte à réfléchir, réalisée en 2000, a eu valeur de manifeste pour identifier un projet de territoire et dessiner un acte de résistance à un projet de démolition d’un important patrimoine industriel de la rade d’Hyères (les Bormettes). Elle avait proposé comme état des lieux, tableau identitaire de Hyères, coté face une carte inversée où la terre était la mer et vice versa, et côté pile, une déclinaison de ces entre-deux, pour illustrer le potentiel patrimonial de ce territoire et le statut de territoire d’exception que lui conférait sa position d’entre-deux et sa culture du et et du et. À l’entre terre et mer, s’ajoutaient :
L’entre Hyères et la Londe, entre Provence et Méditerranée, entre les Maures et l’aire Toulonnaise, entre urbanisation et coupure d’urbanisation, entre cristallin et calcaire, entre local et mondial, entre Europe et Méditerranée ;

  • L’eau, entre eau douce et eau salée, entre trop et trop peu, entre sécheresse et inondation, entre canne de Provence et restanque, entre nature et culture ;
  • La plage, entre paillotes et parc national, entre palmiers et béton ;
  • La rade, entre la terre et les îles, entre civil et militaire, entre accueil et départ ;
  • Les jardins, entre nourriciers et d’ornement, l’acclimatation des plantes, entre l’Orient et Versailles ;

Le projet de paysage, entre agriculture et architecture, entre Jardin du roi et maison du peuple, entre protection et innovation, entre consommateurs et producteurs, entre professionnels et habitants, entre éthique et esthétique, entre propriété et appropriation, etc.

Ainsi, émergent des nouvelles valeurs patrimoniales qu’aucune classification ne permettait d’appréhender et qui fondent pourtant l’identité et la richesse de ce paysage littoral : par exemple, la ruralité maritime où se croisent les marqueurs d’un patrimoine maritime et d’un paysage rural, comme au petit havre de la Madrague, où à la fin du XIXe siècle la pêche à la madrague rassemblait la communauté paysanne villageoise et où encore au milieu du XIXe siècle, les paysans pêcheurs allaient cultiver leur champ en bateau.
Autre exemple, la notion de terre fertile et nourricière où se cumulent la valeur du foncier, la présence de l’eau et la volonté de maintenir une activité rurale destinée à nourrir la ville.

Dans cet exercice du maniement de l’opposition, de l’identification des termes des conflits pour les retourner en objectif d’intégration, se mettent en place les matériaux du projet (les « contraintes ») et les espaces d’une gouvernance, d’un exercice de la démocratie.

Changer, inverser le regard et faire de l’identification des oppositions le terreau fertile des potentiels pour un projet de territoire est déjà reconnaître la possibilité au dissensus d’exister, ce qui oblige à changer de paradigme et à déplacer le débat hors du champ du doctrinal, à la recherche d’un consensuel bon goût normatif, dictant le beau et le bien.

C’est aussi reconnaître l’intelligence collective et l’enrichissement dans la garantie d’une prise en compte du local, donc une résistance à la réponse standardisée de l’ère de la mondialisation.

L’expérimentation nationale de GIZC (Gestion Intégrée des Zones Côtières) et son récit dans le carnet de bord Traits de côte, Arpents de mer

Traits de côte, Arpents de mer est né de la rencontre avec le photographe auteur Jean Belvisi par les architectes urbanistes Odile Jacquemin et Jean-Louis Pacitto, lors de l’exploration menée sur le littoral des Maures dans le cadre d’une expérimentation de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC). Lauréat d’un appel à candidature de la DIACT, ex DATAR (Délégation Interministérielle) Aménagement du Territoire et à l’action régionale) et choisi pour être avec 25 autres territoires littoraux métropolitains et d’outre-mer, un territoire de pédagogie où mettre en œuvre la directive européenne de GIZC, la Côte des Maures fut de 2006-2007 le théâtre d’une vingtaine d’ateliers itinérants.

Il s’agissait de montrer, à fin de reproductibilité, où et comment mettre en œuvre la GIZC sur l’ensemble du littoral français, la France ayant été identifiée dans son retard sur d’autres pays européens, à mettre en œuvre cette directive L’expérimentation, portée par MALTAE sur le littoral varois en association avec le SIVOM du Littoral des Maures et pilotée par la préfecture de Région donna lieu à un rapport « papier gris », destiné à l’administration commanditaire.

Vingt Itinéraires de pédagogie, balades, périples, sentiers, avaient été proposé aux habitants, citoyens professionnels et élus pour arpenter le sentier du littoral mais aussi des routes des crêtes, des caps, d’un cabotage maritime, allant de l’arsenal de Toulon jusqu’au Golfe de Saint-Tropez etc….

Cet ouvrage fut conçu pour en être une restitution à l’attention du grand public.

 L’itinéraire du carnet de bord a donc été (re)construit pour montrer des résultats.

Le photographe ayant suivi la plupart des ateliers mis en œuvre sur les deux années de l’exploration, le travail photographique a été utilisé pour entrer dans la matière territoriale et dans le récit de la démarche. Une exposition en a été tirée, à disposition de toute structure qui souhaite s’en emparer pour présenter le sujet de la GIZC, pour donner à lire ce bout de littoral qui va de Toulon à Saint-Tropez. Ainsi, chaque habitant-citoyen, peut s’approprier la démarche et en devenir acteur à son tour.

L’ouvrage se présente tout à la fois comme carnet de bord, exploration sensible de l’écoulement des saisons et de la richesse des sites, et restitution de l’analyse et des réflexions conduites sur l’aménagement du littoral. Vingt triptyques et soixante photographies mettent en miroir le regard du photographe et le compte rendu de l’expérimentation, ponctué, de manière impressionniste d’une parole, libre, collective et partagée de bon nombre des acteurs qui ont participé à l’aventure.

Servant la trace de l’expérimentation, et se voulant prolongement de la concertation engagée, le carnet de bord et l’exposition restituent au public l’exploration collective ; Itinérante, l’exposition poursuit sa route et s’offre comme une nouvelle invitation à s’exprimer collectivement sur l’avenir du littoral.

Conduite entre 2005 et 2008, cette approche terre mer, conduite entre art et sciences se situe dans un continuum des investigations de cette interface Terre/Mer et préfigure la coopération entre MALTAE et le photographe Jean Belvisi dans la conception et réalisation de l’observatoire photographique du littoral vu depuis la mer. LIEN : ECM0147

Observatoire photographique du paysage littoral vu depuis la mer

Un observatoire photographique du paysage est destiné à permettre à tous d’observer l’évolution des paysages sur le long terme.

Le principe : commander à un artiste des prises de vues qui seront régulièrement re-photographiées et do­cumentées depuis les mêmes points d’observation.

Mis en place par la loi dite loi Paysage du 8 janvier 1993, il existe à ce jour une vingtaine d’itinéraires nationaux et une soixan­taine locaux. Par sa double dimension artistique et scienti­fique, l’outil veut être utile aux aménageurs et gestionnaires de l’espace littoral, mais entend aussi sensibiliser le grand public.

Proposer des itinéraires à arpenter collectivement, en réel ou en virtuel devient un des outils du coopérer pour habiter ensemble La coopération entre Jean Belvisi photographe et MALTAE sur le territoire littoral s’est poursuivie dans la réponse à la commande de l’ARPE et la conception et la réalisation d’un observatoire photographique inédit, puisqu’il s’agissait de photographier la terre depuis la mer

La démarche qui s’élargit aux trois départements littoraux du Sud PACA agrège tous les travaux conduits depuis quinze ans sur ce territoire

  • Un itinéraire pour observer et comprendre
  • Un inventaire collectif des enjeux côtiers
  • Regarder ensemble et croiser des visions pour se projeter dans le futur
  • Des paysages saisis dans leur épais­seur continentale et marine
  • Rephotographier, scruter l’évolution des paysages dans leurs dynamiques…
  • … tenir un carnet de bord pour le temps long.
  • Préserver diversité et richesse fragiles des paysages littoraux, un défi commun
    Et poursuit l’idée d’élargir au-delà des frontières nationales, et –toujours – de relier histoire et prospective, en situant l’observatoire comme outil pour 2050, quand « Un habitant sur deux de la planète occupera le littoral » : Faire l’observatoire photographique des « Amers » pour le futur
  • Un défi qui donne envie de poursuivre à l’échelle de la Méditerranée toute entière…

LIEN :  Site OPPLVM

Rejoindre le réseau Oiseaux De Passage pour accueillir autrement

Les années passent, les projets et les hommes aussi, les potentiels d’appropriation restent disponibles pour des projets nouveaux ou à réactualiser : l’enjeu est de faire évoluer les projets et de les monter avec les dynamiques du moment. Le territoire de pédagogie à géométrie variable a trouvé un nouveau vecteur d’appropriation via la plateforme ODP qui développe les mêmes visions des territoires habités, et des compétences habitantes d’accueil :

Ainsi, le territoire du PEP, de la GIZC du réseau européen de l’écomusée du patrimoine industriel entre terre et mer a trouvé ici une nouvelle ouverture en se redéfinissant comme le territoire de la communauté « Traits de mer, Arpents de Méditerranée »

Le socle géologique des Maures et l’histoire maritime donnent son unité à ce vaste territoire, de Saint-Tropez à la métropole toulonnaise, seule coupure verte de cette ampleur, de la Sicile à Gibraltar.
Le Gapeau descendant de la Sainte Baume jusqu’à la rade d’Hyères en est la colonne vertébrale. Arpenter le paysage habité du littoral varois est l’aventure pionnière que MALTAE y a développée depuis 2001 dans une pratique d’ateliers du paysage de l’entre terre et mer où construire des récits collectifs et redessiner des espaces publics insolites.

Entre balades urbaines et itinéraires culturels, prenant souvent la forme d’expertises collectives autour d’un site ou d’un sujet.

La création de la métropole en 2018 réactive la nécessité de réaffirmer que le changement doit se faire à la bonne échelle, en associant Gapeau, Hyères et Toulon entre Nice et Marseille. Habiter c’est aussi se nourrir” est, plus qu’un récit, un slogan, s’appuyant sur des initiatives citoyennes telles que le jardin solidaire de Jhade, pour illustrer la sauvegarde de terre nourricière. Le tiers-lieu du Télégraphe à Toulon s’inscrit dans cette recherche collective d’un habiter autrement en ville entre culture, arts et agriculture urbaine.

Une dynamique de territoire en transition est née il y a trois ans : L’acteur alternatif Vallée du Gapeau en transition est arrivé à point nommé pour prendre ce rôle “d’artère hydraulique”, où alimenter les initiatives de changements et irriguer jusqu’à son estuaire, bouillon de cultures, entre terre et mer.

A suivre… en 2021