Odile Jacquemin
Emboiter histoire longue et histoire des temps présents est le propos de cette histoire de deux siècles d’une histoire du paysage, qui se donne à lire comme une petite histoire de l’art d’aménager le territoire. A partir d’un cas d’école – l’histoire d’Hyères – l’auteur s’essaie à renouveler le genre de la monographie urbaine, dans l’acceptation nouvelle que la mondialisation donne au sens du local. Essai d’histoire totale, allant du local au global, c’est aussi une proposition extrapolable à d’autres histoires de sites. La méthode est de regarder le passé comme si il était à venir, en faisant un récit d’histoire de projets. Le paysage est l’entrée qui fait du liant et du lien pour aller d’un projet à l’autre, d’une époque à une autre, d’une discipline à l’autre. C’est aussi une proposition méthodologique de diagnostic territorial, qui substitue au traditionnel état des lieux, un état des liens. Pour l’auteure, c’est aussi l’occasion d’un plaidoyer pour l’invention d’un métier d’urbaniste et architecte historien, qui revendique l’exercice de l’histoire comme discipline à part entière (partie intégrante) du projet. Un savoir-concevoir où traiter l’épaisseur culturelle des matériaux de l’histoire d’un territoire. En posant le paysage comme science de la médiation, entre sciences et art, ce récit fait passer tout au long de l’ouvrage de la formation d’un paysage à la formation au paysage.
Les figures reconstruites au fil de la narration se présentent comme un outillage fertile pour une pédagogie apprenant à voir l’invisible au-delà du visible et à lire la complexité de la fabrication de la ville et du territoire. Pratiquer l’inversion du regard, pour voir autrement, c’est déjà une invitation à faire la ville autrement. En filiation aux promenades, par laquelle Hyères s’offrait comme ville de villégiature et de cure, et en héritage de la composition urbaine du XIXe siècle et de ses promenades haussmanniennes, l’auteur invite à voir dans le savoir-concevoir des itinéraires de pédagogie au paysage la reformulation d’un art urbain, une mise en forme réinventée d’urbanité, adaptée aux nouveaux usages de nomadisme urbain.
En filant la métaphore du « jardin d’essai », Odile Jacquemin récolte les situations d’essai au fil des siècles qui dessine la figure d’un littoral laboratoire, terrain d’expérience des modernes, que ses nombreux atouts climatiques, financiers, territoriaux, au croisement des intérêts militaires, civils, médicaux, agricoles et touristiques fit accueillir moult innovations techniques et expérimentations sociales jusqu’aux années 1970. En conclusion, c’est aussi un plaidoyer pour renouer avec cet héritage et en faire le terreau fertile pour expérimenter la réversibilité : Inverser le regard d’un littoral conservatoire à un littoral laboratoire et exploratoire tant pour un renouveau de l’agriculture littorale que pour y inventer la ville du XXI s siècle. On y attend un habitant sur deux, à l’échelle de la planète, d’ici 2050.